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P'tite pomme pourrie

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La Constitution Européenne

Bien que je n'ai pas encore l'âge de voter je m'interresse à la politique pour essayer d'avoir au moins un sujet de conversation interressant ( et attirer les garçons aussi mais ils ne semblent pas brancher par la politique, ceux que je connais au moins ). En cherchant sur le net des infos sur cette constitution je suis tombée sur un article écrit par Etienne Chouard (professeur de droit), article qui est devenu l'arme des partisans du "non". Ce texte m'a fait avoir un avis. J'y ai rajouté quelques commentaires (en noir), je ne peux pas m'en empêcher. Attention c'est un peu long mais c'est quand même facilement lisible. Nous avons reçu à la maison, en même temps que le questionnaire sur le référendum un livret appelé "Traité établissant une Constitution pour l'Europe" et il n'a que 191 pages ( 294 de moins que le livre dont parle Etienne Chouard donc légérement plus accessible ).

Une mauvaise constitution
qui révèle un secret cancer de notre démocratie

Chers collègues et amis,

Après six mois de réflexion intense, se cristallise une argumentation autour du "traité constitutionnel", à partir de lui mais au-delà de lui, une argumentation qui n’est ni de droite ni de gauche, et qui montre un danger historique pour nous tous, au-dessus de la politique. Pour ces raisons, cette courte argumentation devrait intéresser les citoyens de tous bords.

Il y a six mois, en septembre 2004, j’étais, comme tout le monde, favorable à ce texte sans l’avoir lu, par principe, "pour avancer"( bien sûr qu'il faut avancer, ne soyons pas aussi stupides que des trolls), même si je savais bien que les institutions étaient très imparfaites. Je ne voulais pas être de ceux qui freinent l’Europe. Je crois vraiment que l’immense majorité des Européens, au-delà des clivages gauche/droite, aiment cette belle idée d’une Europe unie, plus fraternelle, plus forte. C’est un rêve de paix, consensuel, très majoritaire.

Je n’avais pas lu le texte et je n’avais absolument pas le temps : trop de travail… Et puis l’Europe c’est loin, et puis avec tous ces hommes politiques, je me sentais protégé par le nombre : en cas de dérive, il allait bien y en avoir quelques-uns pour nous défendre… et je me dispensais de "faire de la politique", c’est-à-dire que je me dispensais de m’occuper de mes propres affaires.

Déjà des appels s’élevaient contre le traité, mais ils venaient des extrêmes de l’échiquier politique et pour cette simple raison, je ne commençais même pas à lire leurs arguments, restant en confiance dans le flot de l’avis du plus grand nombre sans vérifier par moi-même la force des idées en présence.

Et puis soudain, des appels sont venus de personnes non suspectes d’être antieuropéennes. J’ai alors lu leurs appels, sans souci des étiquettes, et j’ai trouvé les arguments très forts. Je me suis mis à lire, beaucoup, des livres entiers, de tous bords, Fabius, Strauss-Kahn, Giscard, Jennar, Fitoussi, Généreux, etc. et beaucoup plus d’articles des partisans du traité parce que je voulais être sûr de ne pas me tromper. Et plus je lis, plus je suis inquiet. Finalement, aujourd’hui, je ne pense plus qu’à ça, je ne dors presque plus, j’ai peur, simplement, de perdre l’essentiel : la protection contre l’arbitraire ( Remarque : si il y a un référendum, les gouvernements n'essaient pas d'imposer la constitution ).

Je continue aujourd’hui à lire toutes les interventions, ceux qui sont pour, ceux qui sont contre, je continue à chercher où est la faille dans mon raisonnement et le présent texte est un appel à réfléchir et à progresser : si vous sentez une faille, parlons-en, s’il vous plaît, tranquillement, honnêtement, c’est très important. Je peux me tromper, je cherche sincèrement à l’éviter, réfléchissons ensemble, si vous le voulez bien.

Je sens que c’est mon rôle de professeur de droit d’en parler un peu plus que les autres, d’en parler à mes collègues, mais aussi à mes élèves, aussi aux journalistes. Je serais complice ( de qui ? Des gentils ou des méchants ?) si je restais coi.

J’ai ainsi trouvé plus de dix raisons graves de s’opposer à ce texte dangereux, et encore dix autres raisons de rejeter un texte désagréable, pas fraternel du tout en réalité. Mais les cinq raisons les plus fortes, les plus convaincantes, celles qui traversent toutes les opinions politiques parce qu’elles remettent en cause carrément l’intérêt d’avoir une réflexion politique, me sont apparues tardivement car il faut beaucoup travailler pour les mettre en évidence. Ce sont ces raisons-là, les cinq plus importantes, sur lesquelles je voudrais attirer votre attention et solliciter votre avis pour que nous en parlions ensemble, puisque les journalistes nous privent de débats publics.( waoh, ça c'est envoyé ! vous devriez écrire des livres : vous savez faire passer les émotions, j'ai presque eu des frissons en lisant ce paragraphe ! est-ce pour mettre l'auditoire dans votre poche ? le rallier à votre cause ?)

 

Dans cette affaire d'État, les fondements du droit constitutionnel sont malmenés, ce qui rappelle au premier plan cinq principes traditionnels conçus pour protéger les citoyens.

1.   Une Constitution doit être lisible pour permettre un vote populaire : ce texte-là est illisible.( M Giscard D'Estaing a dit à propos du projet de constitution européenne : " C'est un texte facilement lisible, limpide et assez joliment écrit : je le dis d'autant plus aisément que c'est moi qui l'ai rédigé." Illisible ?)

2.   Une Constitution n’impose pas une politique ou une autre : ce texte-là est partisan.

3.   Une Constitution est révisable : ce texte-là est verrouillé par une exigence de double unanimité.

4.   Une Constitution protège de la tyrannie par la séparation des pouvoirs et par le contrôle des pouvoirs : ce texte-là n’organise pas un vrai contrôle des pouvoirs ni une réelle séparation des pouvoirs. 

5.   Une Constitution n’est pas octroyée par les puissants, elle est établie par le peuple lui-même, précisément pour se protéger de l’arbitraire des puissants, à travers une assemblée constituante, indépendante, élue pour ça et révoquée après : ce texte-là entérine des institutions européennes qui ont été écrites depuis cinquante ans par les hommes au pouvoir, à la fois juges et partis.( les élections permettent au citoyen de choisir son représentant)+( ça doit être long d'écrire une constitution de "485 pages format A4")


Préalable : Constitution ou traité ?

Quelle est la juste qualification de ce projet ?

Il faut rappeler ce qu’est une Constitution et pourquoi on entoure son élaboration de précautions particulières.

Une Constitution est un pacte passé entre les hommes et leurs gouvernants. C’est parce qu’ils ont signé ce pacte que les hommes acceptent d’obéir aux lois. C’est par ce pacte que l’autorité trouve sa légitimité. Ce pacte doit protéger les hommes contre l’injustice et l’arbitraire. Les principes dont on va parler servent à garantir que le pacte joue son rôle protecteur et que les hommes pourront le contrôler.

Le projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) est exécutoire sans limitation de durée, il s’impose sur presque tous les sujets essentiels à la vie des gens, sa force juridique est supérieure à toutes nos normes nationales (règlements, lois, Constitution), il met en place les grands pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) et il en règle les équilibres.

Le projet de TCE est donc, par nature, une Constitution,  il fixe "le droit du droit".

Les débats en cours montrent que ce préalable est au centre des réfutations. Je renforce donc mon affirmation par une citation d’Olivier Gohin, professeur à l’Université de Paris II : « Le nouveau Traité est une véritable Constitution dès lors qu’elle correspond à la définition matérielle de toute constitution : organisation des pouvoirs publics et garantie des libertés fondamentales, avec identification d’un pouvoir constituant (…) la nouvelle Union européenne réunit, dès à présent, les éléments nécessaires de la définition de l’État ».

De plus, la primauté du droit européen, même d’un simple règlement, sur l’ensemble du droit des États membres, même sur leur Constitution, est fortement démontrée par plusieurs professeurs d’Université qui tempêtent évidemment contre ce séisme juridique sciemment sous-évalué par le Conseil Constitutionnel (voir les textes de Frédéric Rouvillois et Armel Pécheul )

Le plus important n’est donc pas, à mon avis, la qualification que les auteurs ont eux-mêmes donnée à leur texte, puisque les principes dont on va parler servent à protéger les citoyens contre des institutions dangereuses : tout texte fondamental qui définit ou modifie les pouvoirs des institutions devrait donc respecter ces principes, quelle que soit sa dénomination officielle.

Est-ce que ce texte à vocation constitutionnelle, donc, offre les garanties qu’on peut en attendre ?

Premier principe de droit constitutionnel : une Constitution est un texte lisible.

Une constitution doit être acceptée, directement, par le peuple qui s’y soumet.

Pour que cette acceptation ait un sens, il faut que le texte soit lisible par le peuple, celui qui va signer (et pas seulement par des experts).

De ce point de vue, le "traité constitutionnel" est long et complexe : 485 pages A4, soit presque une ramette (dans la version compacte actuellement disponible sur le site http://www.constitution-europeenne.fr).

Cette longueur, unique au monde pour une Constitution, se double d’une multiplicité de renvois qui la rendent simplement illisible pour les citoyens de base.(Remarques : 1) tous les livres possèdent des renvois, même les BD parfois 2) les gens ne sont pas stupides 3) toutes les lois sont écrites pareilles : avec des renvois. Est-ce la première fois que vous lisez des lois, professeur ?) 

Certains points importants comme la définition des SIEG n’apparaissent pas dans le texte.

Des contradictions apparaissent même entre des parties éloignées.

Pour illustrer encore la difficulté de lecture de ce texte, on doit relever également, et c’est grave,  l’absence de liste des domaines dans lesquels chaque institution peut créer le droit. Ainsi, on ne trouve nulle part (et on peut donc parfaitement ignorer qu’existe) la liste des domaines où le Parlement européen est complètement tenu à l’écart du droit de légiférer (ce n’est pourtant ni banal, ni anodin). Pour connaître cette répartition, il faut scruter les centaines d’articles un à un, en espérant de ne pas en avoir oublié (voir plus loin).  Est-ce qu’on peut parler de lisibilité ?

D’autres articles importants, comme l’article I-33 qui institue les "actes non législatifs" (règlements et décisions) qui permettent à une Commission (non élue) de créer sans contrôle parlementaire des normes aussi contraignantes que des lois, ne sont pas suivis d’une liste contrôlable. 

Cette longueur et cette complexité interdisent la critique pour le commun des mortels.

Les 75% d’Espagnols votants qui ont approuvé ce texte, comme les 60% qui se sont abstenus,  ne l'ont probablement pas lu : ni les ministres,  ni les parlementaires,  ni les professeurs,  ni les journalistes, ni les citoyens, qui ont tous autre chose à faire : qui a le temps matériel de lire 500 pages A4 ? ( Les lois se répètent, et puis il suffit de s'interresser un peu pour en comprendre l'essentiel) Il suffit de se poser la question pour soi-même : ce n’est pas différent pour les autres.

Ces citoyens prennent ainsi le risque majeur, pour eux, mais aussi pour leurs enfants et leurs petits-enfants, de découvrir trop tard ce qu'ils ne pourront plus changer.( Pourquoi ne pas prendre des décisions pour l'avenir ? Nous avons la possibilité de le changer et nous ne voulons pas en profiter ? N'allez pas réclamer des réformes pour l'Europe plus tard : vous vous couvrieriez de ridicule ! Il faut s'engager, sans souci pour l'avenir, convaincus que nous avons raison. Pourquoi le regretterions-nous si nous sommes sûrs de faire le bien ? )

Il faut évidemment lire et comprendre ce que l'on signe.   Ou bien, on refuse de signer.( adapté au contexte on dirai plutôt "voter")

Même s'il était simple (et il ne l'est pas), un texte aussi long ne permet pas de le juger avec discernement. ( je prends un article au parfait hasard : p107 article 8.1. "auf dispositions contraires du présent statut, les décisions du conseil des gouverneurs sont prises à la majorité des membres qui le composent. Cette majorité doit représenter au moins 50% du capital souscrit". Dur cet article ? )

Et pourtant, il faut bien avoir un avis. Comment faire pour avoir un avis sur un texte qu'on ne peut pas lire ?  En s’alignant sur "les autres", on se rassure, comme les moutons de Panurge.( qui sont ces "autres" ? Pourquoi ne pas vouloir avoir sa propre opinion sur le sujet ? Le texte est trop compliqué ? En cherchant bien il y a bien des explications sur quelque site web de citoyen interressé.)

Cette longueur est, par elle-même, non démocratique : le débat est réservé aux experts.( regardons donc l'avis des experts )

Une Constitution est la loi fondamentale, elle est "le droit du droit", elle doit pouvoir être lue par tous, pour être approuvée ou rejetée en connaissance de cause.

 La Constitution est trop longue ? Les lois qui posent les fondements de la démocratie sont très longues et personne, pratiquement,ne les lit mais tout le monde approuve la démocratie, en connait au moins les bases.

 

Deuxième   principe de droit constitutionnel : une Constitution n’impose pas une politique ou une autre, elle permet le débat politique sans en imposer l'issue

Une Constitution démocratique n'est pas de droite ou de gauche, elle n'est pas socialiste ou libérale, une Constitution n'est pas partisane : elle rend possible le débat politique, elle est au-dessus du débat politique.

À l’inverse, le TCE, en plus de fixer la règle du jeu politique, voudrait fixer le jeu lui-même !

En imposant dans toutes ses parties (I, II et surtout III) des contraintes et références libérales, ce texte n'est pas neutre politiquement : il impose pour longtemps des choix de politique économique qui devraient évidemment dépendre du débat politique quotidien, variable selon la conjoncture.  C’est une sorte de hold-up sur l’alternance des politiques économiques.( Pour renter dans l'UE les pays doivent modifier certaines de leurs lois, leur constitution et il ya bien sûr des critères économiques pour pouvoir adopter l'€uro)

Notamment, ce texte confirme pour longtemps que l’Europe se prive elle-même des trois principaux leviers économiques qui permettent à tous les États du monde de gouverner :

Pas de politique monétaire : nous sommes les seuls au monde à avoir rendu notre banque centrale totalement indépendante, avec en plus, comme mission principale, constitutionnelle, intangible, la lutte contre l’inflation et pas l’emploi ou la croissance. Aucun moyen n’est accordé aux pouvoirs politiques pour modifier ces missions. On sait pourtant que les politiques anti-inflation­nistes se paient en chômage, par un effet presque mécanique.

Pas de politique budgétaire : le pacte de stabilité enferme les États dans une rigueur budgétaire qui est certes une politique possible, mais qui ne doit pas être la seule ad vitam aeternam.  Aucune relance de type Keynésien (grands travaux) n’est plus possible.

Pas de politique industrielle : l’interdiction de toute entrave à la concurrence emporte avec elle l’interdiction d’aider certains acteurs nationaux en difficulté ou fragiles.

C’est une politique de l’impuissance économique décrite par l’économiste Jean-Paul Fitoussi qui est ainsi institutionnalisée, imposée pour longtemps.

À ce sujet, il faut lire la passionnante synthèse de douze économistes contre le TCE.

Le projet de TCE infantilise les citoyens d'Europe : il nous prive tous de l'intérêt de réfléchir à des alternatives. À quoi bon continuer le débat politique, en effet, puisque toute alternative réelle est expressément interdite dans le texte suprême ?

Concrètement, si demain, une majorité européenne voulait changer de direction et repasser à un mode d’organisation non marchand, plus solidaire, elle ne le pourrait pas : il faudrait l’unanimité.(  Tous les pays membres devront, un jour ou l'autre, faire des concessions pour permettre une entente et continuer à faire avancer l'Europe)

Mise à part la constitution soviétique (qui imposait, elle aussi, une politique, le collectivisme), cette constitution partisane serait un cas unique au monde.

Troisième principe de droit constitutionnel : une Constitution démocratique est révisable

Tous les peuples du monde vivant en démocratie peuvent réviser leur pacte de gouvernement.

Le projet de TCE est beaucoup trop difficilement révisable : pour changer une virgule à ce texte, il faut d'abord l'unanimité des gouvernements pour tomber d'accord sur un projet de révision, puis il faut l'unanimité des peuples (parlements ou référendums) pour le ratifier (cela s’appelle la procédure de révision ordinaire).

Avec 25 États, cette procédure  de double unanimité est une vraie garantie d'intangibilité pour les partisans de l'immobilisme.  Ce texte semble pétrifié dès sa naissance. (Pourquoi vouloir toujours avoir la possibilité de revenir en arrière? C'est impossible ! Mais nous devons faire des choix et pour cela il faut accepter de ne pas pouvoir revenir en arrière et assumez nos décisions, qui seront forcément bénéfiques puisque nous les aurons choisies et votées. )

Concrètement, si une large majorité d’Européens souhaitent modifier leur loi fondamentale, ils ne le pourront pas.  C’est ça qui est choquant, inquiétant.

C'est inacceptable pour une Constitution et ce serait, là encore, un cas unique au monde. ( Soyons uniques et ne nous calquons pas sur un modèle quelqu'il soit.)

On me répond en mettant en avant le mot "traité" pour prétendre que l'unanimité est normale (ce qui est vrai en matière de traités), mais ça ne tient pas : ce texte, à l’évidence, joue le rôle d’une constitution et l'oxymore "Traité constitutionnel" (assemblage de mots contradictoires) conduit, en jouant sur les mots, à créer une norme suprême trop rigide, trop difficile à réviser.

Curieusement, cette rigidité excessive avoisine une souplesse étonnante à l’occasion d’une autre procédure qui, elle, ne requiert pas l’accord direct des peuples : la procédure de révision simplifiée autorise un des organes de l’Union (le Conseil des ministres) à modifier de sa propre initiative l’un des éléments clefs de la Constitution qui conditionne le degré de souveraineté conservé par les États membres dans tel ou tel domaine (puisque le passage à la majorité fait perdre à tous le droit de blocage).   Ça, c’est grave : cette Constitution est à géométrie variable, mais sans l’aval direct des peuples à chaque variation.

Par ailleurs, pour l'entrée d'un nouvel État dans l'UE, la règle de l’unanimité est une protection, mais ce n'est pas l'unanimité des peuples consultés par référendum qui est requise : c'est d’abord l’unanimité des 25 représentants des gouvernements (dont beaucoup ne sont pas élus, et dont aucun ne l'est avec le mandat de décider sur ce point important), puis l’unanimité des États selon leur procédure nationale de ratification. Seuls les pays qui ont une procédure référendaire, et la France en fait partie, verront donc leur peuple directement consulté.

On dirait vraiment que la volonté des peuples compte peu pour ceux qui les gouvernent. ( En démocratie les peuples élisent leurs gouvernements pour les représenter donc bien sûr que le peuple compte pour les dirigeants sinon ils ne se feront pas réelire )

Quatrième  principe de droit constitutionnel :
une Constitution démocratique garantit contre l'arbi­traire
en assurant à la fois la séparation des pouvoirs et le contrôle des pouvoirs ( Article très long mais interressant. En gros il dit que le système gouvernemental européen est tout sauf démocratique et que les citoyens ne pourront pas y toucher. Que ce système est très différent du système français et que ça "inquiète" l'auteur ( le dépaysement sans doute, le peur de l'inconnu) Mais où est la confiance ? Si les gouvernements présentent ce texte c'est parce qu'ils savent que ça ne risque pas de nuire à leur nation et à leurs citoyens. Ils signeraient leur arrêt de mort sinon, et ils le savent)

L'esprit des lois décrit par Montesquieu est sans doute la meilleure idée de toute l'histoire de l'Humanité : tous les pouvoirs tendent naturellement, mécaniquement, à l'abus de pouvoir. Il est donc essentiel, pour protéger les humains contre la tyrannie, d'abord de séparer les pouvoirs, et ensuite d'organiser le contrôle des pouvoirs : pas de confusion des pouvoirs, et pas de pouvoir sans contre-pouvoirs. ( A partir de là il va nous expliquer avec nostalgie le fonctionnement,qui selon lui est exemplaire, des trois pouvoirs français. Cest assez long et ça n'a auccun intérêt étant donné qu'on parle des trois pouvoirs européens )

Ainsi le peuple dit : « Toi, le Parlement, tu fais les lois, mais tu ne les exécutes pas. Et toi, le Gouvernement, tu exécutes les lois, mais tu ne peux pas les écrire toi-même. » Ainsi, aucun pouvoir n’a, à lui seul, les moyens d’imposer sa volonté.Ceci est essentiel.

« D’autre part, si l’un des pouvoirs estime que l’autre a un comportement inacceptable, il peut le révoquer : l’assemblée peut renverser le gouvernement, et le gouvernement peut dissoudre l’assemblée. Dans les deux cas, on en appelle alors à l’arbitrage (élection) du peuple qui doit rester la source unique de tous les pouvoirs. » Il faut que chaque pouvoir ait à rendre des comptes et se sache contrôlé à tout moment.     Ceci est également essentiel.

C’est peut-être ça, la meilleure idée du monde, celle qui libère de la crainte d’un despote.

Même dans le cadre moderne d’une union d’États, on ne voit pas pourquoi ces principes protecteurs de bons sens auraient perdu leur valeur.

L’équilibre entre les trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) est cependant difficile à trouver.

Le pouvoir législatif tire une forte légitimité du suffrage universel direct et il est tentant de le rendre plus fort que les autres. Mais une assemblée, même légitime, peut tout à fait devenir tyrannique car le mécanisme de l’élection ne tient absolument pas lieu de contre-pouvoir. Par ailleurs, une assemblée n’est pas nécessairement le meilleur lieu pour décider : des effets de foule ou une certaine dilution de la responsabilité individuelle au moment de décider collectivement peuvent conduire à des excès.

C’est pourquoi on prévoit souvent des limites au pouvoir parlementaire malgré la souveraineté qu‘il incarne : on prévoit ainsi souvent deux chambres (système bicaméral) pour que l’une tempère l’autre : en France, c’est le Sénat, élu lui aussi, mais plus âgé, qui joue ce rôle modérateur de l’Assemblée Nationale, modérateur mais sans risque de blocage (en cas de désaccord, c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot).

Souvent, on prévoit une autre limite importante au pouvoir législatif : il faut pouvoir dissoudre l’assemblée, toujours dans cette optique essentielle des contre-pouvoirs qui responsabilisent les acteurs publics.

Dans le cadre de ces limites (deux chambres et menace de dissolution), le Parlement devrait jouer un vrai rôle législatif, avec l’initiative des lois, la possibilité d’amender les textes dans tous les domaines, un vrai rôle dans la fixation des impôts (c’est un de ses rôles primitifs essentiels : contrôler le poids des prélèvements opérés par l’autorité publique)…

Ce n’est pas exactement ce qui est prévu dans le projet de TCE : le Parlement n’a pas du tout l’initiative des lois, ce qui est déjà inacceptable, et son rôle dans le vote du budget, quoique augmenté, reste limité, et surtout il est exclu de la délibération des lois dans certains domaines, réservés au Conseil des Ministres (procédures législatives spéciales).

En fait, c’est peut-être plus grave : j’ai longtemps concentré mon attention sur les lois (actes législatifs), et je suis en train de découvrir avec étonnement les « décisions », (art. I-33, I-35), "actes non législatifs" bien distincts des simples règlements. Il n’y a rien à redire au règlement qui est un texte d’application, comme les décrets et arrêtés en France, qui justifie un pouvoir normatif limité traditionnellement conféré à l’exécutif pour fixer rapidement les simples modalités pratiques de l’applica­tion des lois. Les « décisions » sont différentes, elles sont décrites à part.

Les "décisions" semblent aussi contraignantes que les lois, mais semblent plus faciles à créer que les lois, moins contrôlées (probablement par la CJE mais pas par une discussion parlementaire). En lisant le texte du TCE, je cherche : qui peut prendre ces « décisions » qui ressemblent à des "lois sans Parlement" ? Le Conseil européen (entre chefs d’États et de gouvernements), le Conseil des ministres et la Commission (tous membres de l’exécutif, au niveau national ou européen, et souvent non élus), et… la BCE. La BCE a le pouvoir de prendre seule des « décisions ». Et qui la contrôle, cette banque centrale ? Quels sont les garde-fous qui existent autour de ces normes élaborées sans discussion parlementaire ?

Il nous reste à faire ensemble l’inventaire (puisque la liste ne nous est pas fournie) des articles du TCE qui permettent (pour l’instant) de produire ainsi des "décisions européennes". À suivre…

On nous présente donc un "triangle" composé du Parlement qui représente les peuples, du Conseil des Ministres qui représente les États et de la Commission qui représente l’intérêt général (sic).

La Commission est principalement l’émanation du Conseil européen qui en nomme les membres avec un droit de regard du Parlement qui "élit" même son Président (sur proposition du Conseil). La commission est totalement indépendante, elle ne doit recevoir de consignes de personne, mais elle peut quand même être révoquée par le Parlement à travers une motion de censure et chacun des commissaires peut être "démissionné" par le Président de la Commission.

C’est la Commission qui est en charge de la préparation technique du droit et qui soumet ses propositions au Conseil des Ministres et au Parlement, présentés comme deux organes législatifs.

On présente donc le Conseil des Ministres comme une « chambre haute » qui jouerait le rôle du Sénat, mais c’est difficile à accepter : d’abord, les ministres ne sont pas élus, mais surtout, ils détiennent dans leur pays le pouvoir exécutif, c’est-à-dire qu’il maîtrisent la force publique qui leur permettra, en rentrant au pays, d’appliquer les règles qu’ils ont eux-mêmes élaborées.

Ce sont donc les mêmes personnes qui créent le droit au niveau européen et qui l’appliquent au niveau national (une fois transposé) : il y a ici confusion des pouvoirs.        
Le Conseil des M. est un organe évidemment lié à l’exécutif à qui on a confié un rôle législatif.

Avec la non séparation des pouvoirs, c’est un important rempart contre l’arbitraire qui nous échappe. Même si c’est sur un nombre limité de sujets (21 ? qui sait ?), c’est dangereux.

Laurent Lemasson, dans l’article précité, fait remarquer, lui, que le Parlement est composé d’une seule chambre, et que le Parlement est irresponsable : personne ne peut le dissoudre. On a vu qu’il est privé de l’initiative des lois, mais il peut révoquer la Commission qui dispose de cette initiative, ce qui donne au Parlement un ascendant sur elle pour "suggérer" des propositions. L. Lemasson voit dans cette organisation des pouvoirs un risque de régime d’assemblée (une sorte de tyrannie parlementaire). Ça, je dois dire que c’est complètement nouveau pour moi, et l’analyse est intéressante : le Parlement serait à la fois complètement impuissant par endroits (on peut se demander pourquoi à ces endroits-là…) et peut-être trop fort ailleurs. À creuser…

Dans cette nouvelle approche, je vois aujourd’hui la codécision plus positivement, comme un contre-pouvoir dans les deux sens : ainsi, le Parlement ne peut pas abuser de son pouvoir, et le Conseil des Ministres non plus.

Sauf quand le Parlement est carrément mis à l’écart d’une série de sujets où les Conseils, la Commission et la BCE créent le droit seuls (comme par hasard ce sont des domaines économiques importants) (Art. III-130-3 : marché intérieur et Art. III-163 et III-165 : règles de la concurrence). Alors ça, c’est choquant parce que, sur ces sujets, il n’y a presque plus de contre-pouvoir : la Commission (qui garde souvent l’initiative) peut-elle être considérée comme une vraie force capable de s’interposer en cas de dérive arbitraire des Conseils (dont elle est si proche) ? (Rappel : l'Europe était au début crée dans un but économique avec un soupçon de pensée pour une politique future. Il est donc normal que nous continuions dans l'économique )

Il semble donc y avoir un vrai problème démocratique dans tous les domaines enlevés au Parlement : ni séparation, ni contrôle. La liste de ces sujets interdits n’existe nulle part, et cette exclusion du Parlement de certains domaines n’est même jamais formulée clairement.

Là où le contrôle des pouvoirs n’existe pas, c’est encore un rempart essentiel contre l’arbitraire qui va nous manquer.

Pour un citoyen qui débarque là sans avoir été conditionné psychologiquement au préalable, c’est choquant. Mais peut-être que je me trompe. Peut-on m’expliquer cet étrange « équilibre » des pouvoirs ? Pour qui a-t-on écrit ce texte ?

En tant que citoyen, on aimerait qu’on nous explique pourquoi cette exclusion existe, sur quels critères on a choisi ces sujets interdits, et pourquoi aucune liste explicite (et donc critiquable) n’a été formulée.

On aimerait aussi savoir qui est réellement responsable de ses actes dans cette organisation européenne, car enfin :

Le parlement n’est responsable devant personne (en dehors des élections dont on a déjà dit qu’elles ne peuvent pas tenir lieu de contre-pouvoir) car il n’y a pas de procédure de dissolution.

Le Conseil européen n’est responsable devant personne au niveau européen (et il faut s’en remettre à la lointaine responsabilité nationale pour mettre en cause ses membres un par un). Le fait qu’il soit évidemment difficile d’organiser cette responsabilité, puisqu’il s’agit des chefs d’État, ne suffit pas à nous rassurer car le résultat est quand même une irresponsabilité au niveau fédéral.

Le Conseil des Ministres n’est responsable devant personne au niveau européen (et il faut encore s’en remettre à la responsabilité nationale pour mettre en cause ses membres un par un). Le fait qu’il soit, là aussi, évidemment difficile d’organiser cette responsabilité, puisqu’il s’agit des ministres dépositaires d’une autre souveraineté populaire que celle de l’Europe, ne suffit pas à rassurer non plus car le résultat est quand même une irresponsabilité là où sont prises les décisions.
Sans compter que la mise en œuvre de cette responsabilité paraît aussi compliquée qu’illusoire.

La Cour Européenne de Justice (CJE), non élue, dont les juges dépendent directement des exécutifs qui les nomment (ça c’est fou), est aussi hors de contrôle (officiel) et sans recours, malgré les pouvoirs immenses dont elle est dotée à travers l’interprétation de tous les textes et l’arbitrage de tous les litiges.    Démocratiques, ces institutions ? 

La Banque Centrale Européenne (BCE), non élue, rigoureusement indépendante des pouvoirs publics, est également hors de contrôle, donc irresponsable, malgré l’influence considérable de ses décisions sur la vie quotidienne des 450 millions d’européens (voir plus haut).

C’est quand même consternant cette impression d’irresponsabilité générale, non ?

La commission, finalement, est la seule qui risque quelque chose : la censure globale par le Parlement, d’une part, mais seulement aux 2/3 ce qui est beaucoup et qui rend peut-être la censure théorique, et d’autre part la démission individuelle d’un commissaire qui peut être exigée par le Président de la Commission.

Mais la Commission est-elle réellement le siège du pouvoir ? Là-dessus, les avis sont partagés, mais compte tenu du tableau d’ensemble, j’aurais tendance à penser comme Yves Salesse que le vrai pouvoir est détenu par le Conseil des Ministres (irresponsable) et que la Commission fait écran, une sorte de "fusible politique", un bouc émissaire commode qui permet aux ministres de créer le droit tout en disant « C’est pas moi, c’est elle, et je n’y peux rien, je ne peux pas la forcer : elle est indépendante… ».

La Commission est cependant un lieu de pouvoir important. Exemple : le commissaire chargé du commerce international, par le mandat qu’il a reçu une fois pour toutes, est le représentant unique de l’Union dans toutes les négociations internationales (OMC et autres). À lui seul, cet homme concentre donc un pouvoir vertigineux. C’est à ce titre qu’il négocie l’AGCS (Accord général sur les services, gigantesque projet de dérégulation, version mondiale de la directive Bolkestein) au nom de tous les Européens, mais dans le plus grand secret : il ne rend aucun compte au Parlement des négociations qu’il mène sur un accord qui va pourtant profondément changer la vie de tous les Européens, et le Parlement ne peut pas lui imposer de rendre des comptes.

On peut donc déjà observer des signes tangibles d’une dérive de type tyrannique. Et le "traité constitutionnel" verrouille pour longtemps un déséquilibre institutionnel qui le permet.

La commission peut être censurée par le Parlement, mais seulement à la majorité des deux tiers, ce qui signifie que la Commission peut gouverner 450 millions de personnes avec l’accord d’un tiers seulement du Parlement. ( parmi ces 450 millions de personnes au moins les deux tiers ne seront sans doute pas contents ce qui représente 300 millions de personnes et une menace pour le Parlement)

Même le mode de scrutin (par liste) garantit aux leaders des partis leur place au Parlement sans aucun risque, ce qui rend plus théorique la responsabilité de ces élus au moment des élections.

Tous ces pouvoirs sans contrôle réel, cette irresponsabilité générale… Où est la démocratie ?
Où sont les garde-fous contre l'arbitraire ?

Il paraît que, depuis vingt ans, les manuels scolaires des étudiants en sciences politiques appellent ça pudiquement le "déficit démocratique" de l'UE. Un terme bien anodin pour désigner en fait un abandon des peuples, trop confiants en ceux qu'ils ont désignés pour les défendre.

Il me semble que toutes les conversations des citoyens de base devraient en ce moment analyser point par point ce recul de la démocratie : dans les institutions européennes, les organes de l’Union semblent être presque tous irresponsables, la volonté des peuples semble compter peu pour les gouvernants, et une certaine politique économique est imposée pour longtemps.

Comment les analystes et commentateurs peuvent-ils glisser là-dessus comme si c'était secondaire ? C'est l'Europe à tout prix ? N'importe quelle Europe ? Même non démocratique ?! On n'a pas le droit d'en parler sans être qualifié d’antieuropéen ?

L’argument selon lequel "c’est partout pareil" ne me rassure pas mais m’inquiète plus encore : pendant que la plupart des citoyens négligent la démocratie, hypnotisés par la pub, le foot et la télé, d’autres s’en occupent activement, et discrètement, on voit comment.( il ne le font pas discrètement mais comme on n'en parle pas à la télé les gens pensent que c'est discret)

On nous dit : « ce texte est meilleur qu’avant, il faudrait être idiot pour refuser de progresser ». C’est masquer qu’avec ce texte, on ne ferait pas que progresser : on figerait,  on bloquerait,  on entérinerait, on renforcerait, on donnerait pour la première fois une caution populaire aux textes qui s’en sont dispensés jusque-là, on voit pour quel résultat.

Même mieux qu’avant, le texte proposé est dangereux.
Montesquieu doit se retourner dans sa tombe.( Ouais, c'est une bonne idée pour enfin pouvoir jouir de vacances)

Triste paradoxe que ces peuples qui accepteraient eux-mêmes le recul de la démocratie, c’est-à-dire des différents remparts qui les protègent de l’injuste loi du plus fort.

On voudrait nous faire croire que tous ces défauts trouvent une juste compensation dans des avancées spectaculaires :

Par exemple, ceux qui claironnent la naissance d'un référendum d'initiative populaire à l'initiative d'un million de citoyens n’ont pas bien lu : le traité ne définit qu'un triste droit de pétition sans aucune force contraignante pour la Commission qui n'est qu'invitée à réfléchir et qui peut parfaitement jeter la proposition à la poubelle sans même devoir se justifier.

De la même façon, les beaux principes généraux et généreux, répétés partout, sur toutes les radios, les télés, les journaux, tout au long des spots officiels, sont en fait en recul par rapport à notre droit actuel. Par contre, contrairement à ce que laisse penser l’art 111-2, leur force contraignante est réelle, même si elle conditionnée à ce qu’en dira la CJE

Partout, ce texte est en trompe-l'œil et masque une maladie de la démocratie : progressivement et subrepticement, en affirmant le contraire sans vergogne, les exécutifs nationaux, de droite comme de gauche, à l'occasion de la naissance de l'Europe, sont en train, en cinquante ans, de s'affranchir du contrôle parlementaire là où ils en ont le plus besoin (en matière économique), et d’une façon plus générale de toute responsabilité réelle de la plupart de leurs décisions politiques.

Cinquième  principe de droit constitutionnel : une Constitution démocratique est
forcément établie par une assemblée indépendante des pouvoirs en place (Courage c'est le dernier !)

Une Constitution n’est pas octroyée au peuple par les puissants.  Elle est définie par le peuple lui-même, ou par des représentants choisis pour cette tâche précise, précisément pour se protéger de l’arbitraire des puissants.

À l’inverse, les institutions européennes ont été écrites (depuis cinquante ans) par les hommes politiques au pouvoir qui sont donc évidemment juges et parties : de droite comme de gauche, en fixant eux-mêmes les contraintes qui allaient les gêner tous les jours, ces responsables ont été conduits, c'est humain mais c'est aussi prévisible, à une dangereuse partialité.

C'est, là encore, un cas unique au monde, pour une démocratie.

Et on observe les résultats comme une caricature de ce qu'il faut éviter : un exécutif complètement libre de ses mouvements sur des sujets économiques choisis, presque tous les organes de l’Union irresponsables à leur niveau de décision, une apparence de démocratie avec des trompe-l'œil partout, de petits progrès montés en épingle, mais un recul réel des garanties contre l'arbitraire.

La seule voie crédible pour créer un texte fondamental équilibré et protecteur est une assemblée constituante, indépendante des pouvoirs en place, élue pour élaborer une Constitution, rien que pour ça, révoquée après, et respectant une procédure très publique et très contradictoire (en droit, le mot "contradictoire" signifie que les points de vue opposés doivent pouvoir s’exprimer totalement).

C'est aux citoyens d'imposer cette procédure si les responsables politiques tentent de s'en affranchir.

La composition assez variée et riche en personnalités de grande valeur de la Convention Giscard n'est pas un argument satisfaisant : on reste à mille lieues d'une assemblée Constituante : ses membres n'ont pas été élus avec ce mandat, ses membres n'étaient pas tous indépendants des pouvoirs en place, et surtout ses membres n'avaient pas les pouvoirs pour écrire un nouveau texte, équilibré et démocratique : ils ne pouvaient que  valider, compiler (et légèrement modifier) les textes antérieurs écrits par des acteurs à la fois juges et partis.

De plus, la réécriture du texte, encore par les gouvernants au pouvoir, pendant une année après que la Convention a rendu sa proposition, est encore une énormité d’un point de vue constitutionnel.   Ce n’est pas au pouvoir en place d’écrire le droit du droit.

En établissant une Constitution par voie de traité, procédure beaucoup moins contraignante qu’une lourde assemblée constituante, (publique, longuement contradictoire et validée directement par le peuple), les parlements et gouvernements, de droite comme de gauche, ont fait comme s’ils étaient propriétaires de la souveraineté populaire, et ce traité, comme les précédents, peut s’analyser comme un abus de pouvoir : nos élus, tout élus qu’ils sont, n’ont pas reçu le mandat d’abdiquer notre souveraineté. C’est au peuple, directement, de contrôler que les conditions de ce transfert, (à mon avis souhaitable pour construire une Europe forte et pacifiée), sont acceptables.

Je respecte profondément, bien sûr, tous les membres éminents de la Convention, mais je crois simplement qu’ils n’avaient pas mandat pour faire ce qu’ils ont fait.

On est d’ailleurs sidéré de voir de nombreux acteurs politiques de premier plan qui osent regretter tout haut que le TCE ait été soumis à référendum, en soulignant que tout ça aurait été moins compliqué et moins incertain avec le Parlement qui aurait voté ça comme un seul homme, sans même rien lire peut-être…  Que valent les peuples pour nos élites ?

À propos, les nombreux gouvernements qui ont fait ratifier ce texte par leur Parlement national, plutôt que par leur peuple (référendum), signent une véritable forfaiture : les peuples de ces pays sont ainsi privés à la fois du débat et de l’expression directe qui leur aurait permis de résister au recul démocratique qui les expose à l’arbitraire.

Quel moyen reste-t-il à ces citoyens pour résister à cette confiscation de leur souveraineté ? 

Ce mépris des peuples et de leurs choix réels est très révélateur du danger qui grandit dans la plus grande discrétion : nos élites, de droite comme de gauche, se méfient de la démocratie et nous en privent délibérément, progressivement et insidieusement.

 

Conclusion

Le TCE paraît donc dangereux à plusieurs titres. Que m’a-t-on répondu pour l’instant ?      
(Pardon pour les arguments encore oubliés, mais c’est un travail immense de compiler tout ça.)

Pour calmer mes craintes, on me parle de progrès, mais à la vérité tout est dans la référence qu'on prend pour évaluer le progrès : car en effet, si l'on prend la situation de Nice (que je tiens pour déplorable sur le plan démocratique), c'est effectivement "mieux", c'est un "progrès", et on comprend donc pourquoi on se réfère à ce texte pour nous vendre le TCE.

Mais si je me réfère à la démocratie nationale que je perds au profit de la "démocratie européenne" que je gagne, c'est objectivement un recul qu’on me demande d’entériner : sur la responsabilité des actes quotidiens de tous les pouvoirs, sur le contrôle du pouvoir exécutif sur ses (x) domaines réservés et surtout sur la politique économique imposée, très probablement cause du chômage endémique et de la croissance molle en Europe, et imposée clairement pour longtemps.

Or je rappelle que c'est la première fois en cinquante ans qu'on me demande mon avis : en tant que citoyen, je ne suis donc pas cosignataire de Nice, ni des traités précédents.  À Maastricht, on m’interrogeait sur la monnaie et les contraintes économiques, si je me souviens bien, pas sur l’équilibre et le contrôle des pouvoirs. Et pour les contraintes, on s’était bien promis de faire le bilan. A-t-on fait ce bilan ? A-t-on de bonnes raisons d’être satisfaits des performances économiques de ces institutions pourtant à vocation plus économique que politique ? Relire Fitoussi et Généreux.

Pourquoi n'aurais-je donc à juger que du petit différentiel qui sépare Nice du TCE ?

Pourquoi n'aurais-je pas mon mot à dire ("moi", citoyen de base, évidemment) sur l'ensemble de ce fantastique coup de force des exécutifs nationaux, depuis cinquante ans, sur le contrôle citoyen des politiques menées ?

Je ne vois pas pourquoi il faudrait que le texte soumis au vote soit artificiellement circonscrit aux quelque 50 articles nouveaux du TCE.   

Quand je vois d'éminents experts prétendre qu'il n'y a que 60 pages à juger, 50 petits articles de rien du tout, prétendre que le reste existe déjà et se trouve donc hors du sujet, pas soumis au référendum, quand j'entends ça, je me dis, et j'ai l'impression que je ne suis pas le seul, qu’il est temps de se réveiller.

Si on refuse cette vue d'ensemble dont je parle, si cette période de cinquante ans est sacrée, promue intouchable, irréversible, si on impose Nice comme référence, alors, effectivement, le TCE est un "bon texte"  puisqu'"on progresse", mais il ne vous apparaît pas qu'il manque une petite partie de la démonstration ? qu’on nous impose ainsi de valider un chemin qui n’est pas bon ? (Nous sommes la démonstration, nous allons démonter que ce système est opérationnel et bénéfique pour tous ses usagers)

C'est vrai que c'est sans doute une erreur (pour ceux qui construisent cette Europe peu démocratique)  d'avoir qualifié le texte de Constitution  (ils nous ont mis la puce à l’oreille), et une autre erreur d'avoir proposé le texte par référendum à ces râleurs arrogants que sont les français, mais pour nous, citoyens, j'ai bien l'impression que ces deux erreurs nous donnent une chance historique, celle de voir plus clairement le danger et d'enfin résister.

Il y a quand même un progrès incontestable dans ce traité… C’est la nouvelle possibilité qui est offerte de s’échapper du piège : Article I-60-1 : « Le retrait volontaire de l'Union Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union. ». Ce droit actuellement n’existe pas, ce qui fait du rejet du texte un enfermement dans un autre piège, celui de Nice. C’est gai… (Là, le noir n'est pas de moi mais ça ne veut pas se mettre en bleu )

Finalement, ce "traité constitutionnel" est un révélateur qui met en lumière ce qui se décide sans nous depuis longtemps.

D'une certaine façon, le loup est sorti du bois et les citoyens peuvent enfin voir le danger, et résister.

Une des grandes erreurs, probablement, c’est de faire passer l’économique avant le politique, c’est de renoncer à la possibilité d’agir, c’est de s’en remettre aveuglément aux marchés, c’est de confier la barre aux économistes alors qu’ils devraient rester dans les soutes pour faire tourner le moteur (c’est Bernard Maris, dans son savoureux antimanuel d’économie, qui le suggère en souriant). ( Sur le fond il n'a pas tort mais imaginez seulementla pratique, nous ne savons pas encore comment cela se déroulera alors pourquoi vbouloir déjà fixer les règles ? Bien sûr il faut fixer les bases mais la politique ne peut pas tout prévoir, on ne peut pas tout planifier )

En prônant la liberté comme une valeur supérieure, au lieu de la fraternité, en institutionnalisant la compétition, la concurrence, au lieu de la collaboration et l’entraide, en l’imposant dans le texte suprême à travers le dogme de la concurrence absolue, et finalement une morale du « chacun pour soi et contre tous », en détruisant la régulation par l’État, gardien de l’intérêt général, pour instaurer la régulation par le marché, somme d’intérêts particuliers, les économistes libéraux s’en prennent aux fondements de la démocratie pour, tout compte fait, affranchir les principaux décideurs économiques de tout contrôle.

La dérégulation systématique menée en Europe (institutions, politique et verrou de la Constitution), et plus généralement sur la terre entière (OMC, AGCS, ADPIC) est un recul de la civilisation, un retour vers la barbarie de la loi du plus fort.

Par optimisme, par crédulité, par indifférence, les peuples modernes laissent s'affaiblir leur bien le plus précieux, très rare sur cette planète, celui qui conditionne leur sérénité quotidienne : les différentes protections contre l'arbitraire des hommes forts, depuis le cœur des entreprises (droits sociaux) jusqu'à la patrie (institutions démocratiques contrôlées et révocables).

La démocratie n'est pas éternelle, elle est même extrêmement fragile. En la croyant invulnérable, nous sommes en train de la laisser perdre.  ( Mais non la démocratie n'est pas faible sinon elle serait déjà tombée et là, nous serions bien embêtés. De plus, si les politiques ont choisi ce moment pour nous présenter le texte c'est qu'ils pensent que nous sommes forts et capables d'assumer alors assumons et avançons avec les autres pays européens)

Même après le refus de ce texte-là, il faudra se battre pour la garder, et continuer à militer pour imposer à nos représentants de construire une autre Europe, simplement démocratique.    Je n’ai pas d’alternative toute prête, peut-être d’autres en ont-ils.
                   Sinon, il faut l’imaginer et la construire. ( Pourquoi ne pas s'ouvrir au monde extérieur et accepter de prendre des risques pour nous renforcer ?)

Ce texte fondateur en trompe-l'œil est présenté aux citoyens à travers un débat lui aussi en trompe-l'œil.

De nombreux journalistes, en assimilant les opposants au texte à des opposants à l'Europe, font un amalgame malhonnête : la double égalité "Oui au traité=Oui à l'Europe, Non au traité=Non à l'Europe" est un mensonge insultant, une inversion de la réalité, un slogan trompeur jamais démontré, fait pour séduire ceux qui n'ont pas lu le traité et qui n'ont pas étudié les arguments, pourtant forts, de ceux qui s’opposent à ce traité précisément pour protéger la perspective d’une Europe démocratique.

Les journalistes sont un rempart essentiel, moderne, pour protéger la démocratie. Montesquieu ne pouvait pas prévoir l’importance capitale qu’ils allaient prendre, mais c’est certain : le pouvoir immense des journalistes mériterait lui-même un vrai contre pouvoir (de ce point de vue, on peut sûrement se demander si on ne commet pas une grave erreur en laissant acheter et vendre les médias comme de simples marchandises) et leur responsabilité est ici historique.

C'est, pour l'instant, l'Internet qui est le média le plus démocratique, non censuré, le meilleur outil pour résister. Si ce message vous semble utile, diffusez-le vite dans vos propres réseaux et au-delà de l’Internet, sur papier.

 

Conseil aux partisans du TCE (je ne peux pas les aider, je n’ai pas trouvé moi-même les arguments qui leur manquent ;o) : pour rassurer ceux qui sentent un grand danger dans le TCE, c’est une mauvaise réponse de souligner ce qui est bon dans le TCE : ça ne suffit pas à rassurer, évidemment. On ne signe pas un texte s’il contient ne serait-ce qu’une seule ligne inacceptable, quand bien même il contiendrait par ailleurs monts et merveilles. Et ce traité comporte de nombreux points inacceptables.

Il faut donc plutôt démontrer qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter, par exemple que chaque organe de l’Union est pleinement responsable de ses actes (au-delà du simple mécanisme électoral) dans toutes les phases de création du droit, que les politiques économiques ne sont pas aussi encagées qu’il y paraît, que les volontés à venir des peuples européens ont toutes les garanties d’être respectées…

Quant aux opposants au traité, ils ne convaincront vraiment ceux qui, pour l’instant, votent oui en se bouchant le nez faute de mieux (il y en a tant…) qu’en proposant une alternative crédible, une perspective plausible.

C’est une vraie faille dans mon raisonnement, vous savez, celle que je cherchais au début : je ne vois pas bien comment faire changer de cap à ce paquebot, et je ne vois pas non plus comment recommencer à zéro, il faudrait être plusieurs.

La masse des messages que je reçois tous les jours a une unité, une cohérence, une force : quel que soit le bord politique (et ça vient vraiment de partout), le sentiment général est fondamentalement proeuropéen et exigeant sur la démocratie et le respect de la volonté des peuples. Et il y a beaucoup d’humanité et de générosité dans ces messages (à part les affreux qui m’insultent, mais ils sont très rares).

J’y vois un socle (ou un germe de socle) pour que les politiques professionnels se ressourcent, se regroupent différemment, modifient leurs programmes, et imaginent un projet pour l’après non, une vrai Europe pour les hommes, pas pour les États. On a bien deux ou trois ans pour rallier nos frère européens et engager cet élan partout, n’est-ce pas ?

Et si c’était les peuples d’Europe qui réclamaient fermement aux partis politiques cette refondation démocratique, en partant de la base, communiquant à travers le net pour se passer le mot sans forcément respecter les clivages des partis ?  On peut rêver…

Ne faut-il pas commencer par le commencement : demander aux 25 peuples s’ils veulent s’unir pour créer une République européenne ? Puis engager, seulement avec les pays qui le veulent, un vrai processus constituant, organisé par les pouvoirs en place mais indépendant d’eux ?

On peut y réfléchir, non ?

 

J’ai entendu à la radio, il y a quelques semaines, une phrase qui a fait mouche, qui depuis résonne sans cesse dans ma tête et qui me change.   Elle dit : on ne naît pas citoyen : on le devient.

Étienne Chouard, Trets (Marseille).
Texte mis à jour le 1er mai 2005.

Je crois que je suis pour le "oui" au référendum moi.

Ecrit par Herrena, le Dimanche 1 Mai 2005, 15:43 dans la rubrique "Révoltes".